Tout grand champion caresse un jour le rêve de faire piloter les autres, mais peu le réalisent vraiment.
Depuis l'époque où Jack Brabham réussit l'exploit unique de devenir champion du monde au volant de sa voiture, certains s'essayèrent à l'imiter, sans succès. Gurney, Surtees, Hill, Fittipaldi, se cassèrent les dents sur cette double partition et Mclaren ne profitera pas de son vivant des succès de son écurie.
L'aventure d'Alain Prost est différente et plus réaliste: il est devenu un vrai patron qui géra une véritable entreprise.
De son propre aveu, c'est dix fois plus stressant que d'être derrière un volant, et bien plus difficile.
Après vingt ans de combinaison, Alain Prost a opte pour le costume cravate de bon goût du chef d'entreprise qu'il désire être désormais.
» 1973-1979 : Du caractère et du talent à revendre
Jusque vers l'âge de quinze ans Alain Prost ne s'intéressait à la course automobile qu'en temps que discipline sportive parmi d'autres car tout ce qui était sport passionnait le jeune garçon Son rêve était alors de devenir professeur d'éducation physique et ses loisirs étaient essentiellement occupés à taper dans un ballon sur les terrains de football le rêve s'évanouira avec l'arrivée d'ennuis physiques qui lui barreront l'accès à l'enseignement mais surtout avec la découverte du karting. Pourtant, au début, ses parents s'opposeront formellement à ce sport bien trop dangereux.
Né en 1955 à Lorette prés de Saint-Chamond dans la
Loire. Le jeune Prost évolue dans une cellule familiale et une région où l'on sait ce que le dur labeur veut dire et pour qui le karting n'est qu'une activité de riches oisifs. Alain est tenace et décide alors de travailler durant ses loisirs dans la petite entreprise de son père en économisant sou par sou sur tous les postes (cinéma,
sorties...) pour se payer enfin son châssis de kart. Devant tant de volonté, ses parents capituleront et l'aideront même dans ses premiers pas mécaniques. Très tôt remarqué pour son talent à évoluer en tête des turbulents pelotons et à gérer au mieux sa mécanique,
Alain Prost délaisse vite l'amateurisme pour se lancer à corps perdu dans la compétition de haut niveau.
En 1973 il est
Champion de France junior, puis d'Europe et l'année suivante décroche le titre envié de
Champion de France senior. Il échouera par contre deux fois au Championnat du
Monde et en 1975, il décide de franchir le cap magique de la monoplace.
Lauréat du volant Elf en novembre 1975 il est inscrit pour le championnat de France de Formule Renault 1976 qu'il va littéralement écraser avec 12 victoires sur 13 courses.
En 1977, il est champion d'Europe de Formule Renault et se positionne comme un des plus sûrs espoirs du sport automobile.
La consécration arrive deux ans plus tard où il devient champion d'Europe de Formule 3, mais surtout, remporte haut la main la prestigieuse épreuve de Monaco.
En lever de rideau du Grand Prix de F1 les team managers de la catégorie reine s'intéressent alors à ce petit bonhomme dont la motivation
n'a d'égal que le talent. Le Président de la FISA, Jean-Marie Balestre, lui propose de
l'aider pour accéder en F2 et la réponse sera célèbre et typique de la détermination de Prost "la F2 ne m'intéresse pas je veux une
F1 !". Les occasions sont bien présentes cette saison-là mais Alain le perfectionniste ne veut rien faire d'approximatif qui puisse compromettre sa future carrière.
Ainsi refuse t'il poliment des volants dans les derniers Grands Prix 1979, notamment Ligier et Mclaren, mais accepte d'effectuer des tests en fin d'année en vue de 1980.
C'est comme cela qu'il se retrouve dans le baquet de la Mclaren sur le circuit Paul Ricard et impressionne Teddy Mayer qui l'engage sur le champ. La suite est connue, une première année pour apprendre, le passage chez Renault avec les premières victoires, la gloire naissante mais aussi la désillusion, le triomphe chez Mclaren puis la
cassure, le rendez-vous manqué avec la Scuderia Ferrari et enfin le sacre ultime chez Williams. Au terme de la saison 1993 le pilote Alain Prost est comblé
: Un palmarès exceptionnel avec quatre titres de Champion du Monde et le nombre record de 51 victoires en Grand Prix, une place au panthéon des plus grands coureurs automobiles de tous les temps, une aura et un charisme énormes qui
valent leur pesant d'arguments pour entreprendre une nouvelle vie à 300 à l'heure.
»
Du casque aux écouteurs
Alain Prost fait partie de ces êtres qui ne peuvent se contenter de rouler suivant les normes autorisées.
Après avoir goûté à l'ivresse des vitesses hautement prohibées pour monsieur tout le monde, Renault lui avait bien préparé une petite retraite correctement rétribuée à
vanter les produits, exceptionnels cela va de soi, sortant de ses chaînes de montage.
Mais bien vite l'homme ne tint plus en place et l'idée de posséder sa propre écurie refait surface.
Par deux fois déjà elle faillit s'imposer à lui
: En 1989, au moment de quitter Mclaren il songea à exploiter différemment ses capacités et envisagea de monter sa propre structure avec son vieux complice de l'époque de la Formule 3 Hugues de Chaunac et celui qu'il a toujours admiré, l'ingénieur britannique John Barnard.
Le projet ne se réalisera finalement pas, l'affaire traînant en longueur et Prost signant finalement pour deux ans avec Ferrari fin 1991.
Après l'épisode douloureux de la mise à pied par la Scuderia, Guv Ligier va sauter sur le champion. Là encore l'affaire capotera, le problème d'Alain est qu'il ne veut pas risquer sa fortune personnelle dans une entreprise difficile et délicate. Il lui faut donc des soutiens solides et un bon motoriste. En
1994, aucune de ces conditions étant réunies, il doit patienter et va retourner à l'école en quelque sorte. Il est engagé par son ami Ron Dennis comme consultant chez Mclaren pour tenter de trouver ce qui ne tourne décidément plus rond dans la prestigieuse équipe. Alain
va rester un an et demi à observer de l'intérieur tous les rouages d'une écurie de Formule 1 et lorsque son apprentissage sera terminé, repartira à l'attaque.
Cette fois les temps sont différents, Alain Prost est fortement sollicité par les nouvelles instances politiques françaises en
1996 pour reprendre le flambeau de cette fameuse "écurie France" qui
se fait attendre depuis vingt ans. Ligier est à vendre et la fourniture moteur passerait par Peugeot qui court toujours après son premier succès en F1.
Le très conservateur Jacques Calvet PDG de la firme sochalienne est plutôt décidé à tout arrêter fin 1997,
il na jamais été partisan de cette Formule 1 ruineuse et ne doit qu'aux pressions politiques et au charme du fin négociateur qu'est Alain de revenir sur sa décision.
Début 1997. Le dossier est bouclé il ne manque plus que le " oui " de Jacques Calvet pour célébrer le mariage. Celui-ci a lieu en février et l'écurie de Formule 1 Prost Grand Prix est officiellement présentée. L'écurie courra en 1997 avec le matériel
Ligier assisté du personnel existant. Les voitures seront propulsées par le V10 Mugen-Honda (le V10 Peugeot n'arrivant qu'en 1998) et les pilotes seront Olivier Panis et le Japonais traditionnel en la personne de Shinji Nakano.
Source : La grande encyclopédie de la Formule Un (Tome 2)
parue chez Chronosports Editeur. |